
Malgré des décennies d’attention portée au genre et à la formation professionnelle, le paysage de l’enseignement et de la formation techniques et professionnels (EFTP) en Afrique subsaharienne reste profondément genré et ancré dans des structures plus larges d’inégalité et d’exploitation patriarcales. En s’appuyant sur les récentes avancées théoriques en faveur de programmes d’EFTP transformateurs et justes en matière de genre, cet article examine comment une révision progressive de l’EFTP peut être mobilisée pour remettre en question les inégalités et les discriminations entre les sexes dans les environnements précaires.
En réunissant les idées issues de la recherche féministe et de l'agenda du travail décent des Nations Unies, qui vise à aligner des conditions de travail justes et sûres sur les aspirations des travailleurs, nous nous interrogeons sur ce que pourrait être un avenir transformateur de genre pour l'EFTP, dans lequel les droits du travail, les moyens de subsistance durables et le bien-être seraient intégrés dès le départ. En nous appuyant sur les conclusions du projet innovant « Gen-Up » au Cameroun et en Sierra Leone, qui vise à étudier d'éventuels programmes et politiques d'EFTP tenant compte du genre en collaboration avec le fournisseur d'EFTP, le réseau Don Bosco, nous nous demandons ce qui est à la fois possible et permis dans un climat économique conflictuel, où l'accent mis sur la survie de base et la génération de revenus empêche toute véritable remise en question des normes et stéréotypes de genre profondément ancrés.
Pour les jeunes femmes en particulier, dont les aspirations sont considérablement affaiblies par des cadres discriminatoires persistants et qui deviennent encore plus vulnérables en période de crise économique et sociale, nous nous demandons si les programmes actuels d’EFTP les aident à échapper aux multiples formes de marginalisation auxquelles elles sont confrontées. Même dans les cas où les femmes peuvent être présentées comme des entrepreneures à succès ou parvenant à des moyens de subsistance durables, les faits suggèrent que ces récits individualistes laissent de côté de nombreuses jeunes femmes. Dans ce contexte d’instabilité, de précarité et d’inégalités socio-économiques et de genre croissantes aux niveaux mondial et local, nous soutenons que seule une programmation holistique d’EFTP fondée sur des valeurs sociales et morales et sur l’autonomisation et proposant diverses voies vers un travail décent, créant des formes de solidarité, de collaboration et un environnement propice contextualisé peut agir à la fois comme un levier de transformation du genre et comme un moteur de changement socio-économique plus large, adapté à la vision du « travail décent » et à un monde du travail en constante évolution.
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